Après l'Ouzbékistan, le Turkménistan et l'Iran, mon arrivée en Turquie est vécue comme une soulagement. Pas besoin de porter de voile et personne pour m'accoster toutes les vingt secondes dans la rue. Je suis grisée par l'anonymat avec lequel je m'engouffre dans la rue commerçante de Van, par la familiarité que m'inspirent ses vitrines modernes similaires à celles de n'importe quelle boutique française. Je célèbre ça avec un burger king et réalise que décidément je n'aime pas les fast-food. Puis je m'abreuve de bières à une soirée beer-pong où je m'émerveille qu'hommes et femmes puissent se rencontrer, s'amuser, boire, s'habiller court et trop se maquiller en toute liberté et en toute impunité. Le bar se transforme en un aquarium de fumée, les Turcs fument énormément, il faut sortir pour respirer.

 

Mon copain Sebastian m'a rejoint, les regards de gens ont changé. Ils ne sont plus étonnés ou effrayés : je suis à nouveau une "femme normale voyageant en couple".

Nous sommes rejoints par mon amie Cyrielle, la dernière fois qu'on s'était vu elle m'avait offert avec émotion un guide du Brésil dans mon studio parisien que je quittais en 2013. C'est chouette de se retrouver, d'avoir des nouvelles de France, d'elle, de constater qu'après cinq ans, nous sommes toujours amies.

 

Nous tendons nos trois pouces au bord des routes du Kurdistan. Cette région est divisée entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Mais pour les Turcs, le mot Kurdistan est tabou, il faut parler de Sud-Est...sinon, on se prend des réflexions, voir quelques insultes (comme le "fucking idiot, Kurdistan doesn't exist" reçu récemment sur mon compte instagram). Pourtant, pour les Kurdes, le Kurdistan semble bien exister. Nous en découvrons le langage, les chants, les danses et les spécialités culinaires. Bien que voyageant à trois, nous sommes accueillis et hébergés comme des vieux amis chez Enes&Ika, Hasan, Mirmar, Derya, Berfin, Mohsen&Negar. Il pleut beaucoup alors nous passons de nombreuses heures à discuter de leurs vies, de nos vies, de la vie en général et on nous ressert du thé noir.

 

Cyrielle questionne une de nos nouvelles rencontres sur les bombardements du Kurdistan par le gouvernement turc en 2015 et en 2016. Une réponse timide précède des yeux embués. C'est trop d'émotion, trop de morts. Elle préfère ne pas parler par peur des représailles.

Cyrielle lui explique qu'elle avait peur de venir au Kurdistan. Notre nouvelle amie s'en étonne et rigole car "maintenant ce n'est plus dangereux". Elle nous avoue qu'elle avait eu peur d'aller en Paris suite aux attentats de 2015 et qu'elle avait annulé son voyage. Drôle d'ironie.

 

Au Kurdistan, il y a le grand lac de Van avec des montagnes au sommets enneigés, des vieilles villes avec ses dédales de ruelles, des églises abandonnées depuis cent ans, des maisons troglodytes, des petites montagnes enneigées encore. Nous apercevons la Syrie au loin, depuis les hauteurs de Mardin.

 

Il y a aussi des mosquées tous les deux cents mètres et des minarets qui hurlent à la prière cinq fois par jour. Il me semble que la Turquie est beaucoup plus musulmane que l'Iran et l’Ouzbékistan où la religion est plutôt une affaire de coutume et de politique. En Iran, les femmes doivent arborer le tchadors ou hijab dans la rue. Mais dans le Sud-Est de la Turquie, il n'y a juste pas de femmes dehors ou très peu ! Ça saute aux yeux en photographiant des scènes de rues et tous ces hommes buveurs de thé.

 

Cyrielle est repartie. Avec Sebastian, je rejoins l’impressionnante Cappadoce, au centre de la Turquie. Nous sommes hébergés gratuitement par Kadir dans sa luxueuse auberge troglodyte ! Nous passons trois journées entières à visiter les vallées, rochers, églises, maisons troglodytes et villes souterraines. Cette région est juste extraordinaire !

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En arrivent à Istanbul, mon périple en auto-stop sur la route de la Soie s'achève. Il m'aura fallu cinq mois depuis Pékin pour traverser la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, l'Iran et la Turquie. Vu que les turcs ne célèbrent pas Noël, nous retrouvons un groupe de voyageurs et d'étrangers pour fêter le 24 décembre.

 

La compagnie de ferry turc Akgünler Denizcilik accepte de nous offrir des billets pour Chypre en échange de quelques photos ! Nous quittons les portes de l'Europe pour filer vers le sud. A travers les fenêtres des voitures, nous admirons les paysages recouverts de neige et nous étonnons de toutes les constructions de cités HLM sans âme. La Turquie est en immense chantier !

 

Arrivés au port de Tasucu, le ferry est annulé à cause de la météo, mais nous sommes hébergés en dernière minute par une couchsurfeuse et nous embarquons le lendemain vers l'île de Chypre. Nous nous rapprochons de l'Afrique pour continuer ce tour du monde en auto-stop !