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LE MONDE SUR LE POUCE
Le tour du monde 100% en stop et en images de Florence Renault
RWANDA
Du 24 septembre au 5 octobre 2019
Récit De Voyage
Après trois heures d'attente à la frontière entre l'Ouganda et le Rwanda, une voiture nous emmène finalement vers la capitale. Peu de voitures roulent sur cette route fraîchement bitumée. Le vélo surchargé semble l'option la plus populaire. Nous zigzaguons entre les collines verdoyantes, le long des rizières et apercevons bientôt des milliers de lumières. C'est Kigali, très propre et organisée, du jamais vu pour moi en Afrique ! Le centre-ville a des allures de quartier fantôme. Où sont les cris ? le traffic ? la pollution ? Les rues courbées s'étalent sur plusieurs collines et les perspectives donnent un certain charme à la capitale.
Au supermarché, le caissier envelope nos courses dans du papier. Les sacs plastiques sont interdits ! Notre hôte couchsurfer laisse un appartement entier à notre disposition pour deux jours. Il se réjouit de parler Français. La langue officielle à l'école est devenue l'anglais, le français est passé aux oubliettes. Les moins de 30 ans ne l'ont pas appris et les plus de 30 ans l'ont oublié par manque de pratique.
Un soir, nous dinons avec notre hôte et une copine allemande rencontrée en Ouganda. Elle parle du musée du génocide, des gens décédés dans la famille d'une amie... Une atmosphère de malaise s'installe, notre hôte, orphelin du génocide, garde le silence et se met à débarasser la table du restaurant. Elle change de sujet et le lendemain je pars visiter le musée seule car Sebastian considère avoir eu sa dose d'horreur avec les musées des génocides du Cambodge et du Vietnam.
Je découvre ainsi que le génocide du Rwanda n'était pas une lutte de tribus mais plutôt une lutte de classe entre les tutsis (propriétaires de plus de dix vaches) et les hutus majoritaires. L'idéologie de haine a été largement relayée par les prêtres et des tueries de masse ont été encouragés dans les églises ! Depuis, de nombreux Rwandais ont délaissé la religion ou se se sont convertis à l'Islam ! J'apprends que le gouvernement Mitterand a soutenu fianancièrement la vente d'armes françaises au Rwanda. Un rapport suppliant l'envoi de 500 casques bleus pour éviter le massacre a été ignoré par l'ONU ! Lors du génocide de 1994, 800 000 personnes sont mortes et 500 000 personnes ont été violées (et contaminées par le sida avec prémonition). C'est la société entière qui est traumatisée. Chaque Rwandais souffre de plusieurs deuils dans sa famille.
Ces histoires lointaines entendues lorsque j'étais enfant me semblent bien proches maintenant.
Ce musée ne montre pas d'images choquantes, il explique les faits. Je croise quelques visiteurs en larmes. Personelement, je trouve que les témoignages sont assez froids et n'entrent pas dans les détails. Est-ce trop récent pour en parler ? Ou la pudeur et la réserve des rwandais empêchent d'en dire plus ?
Nous quittons Kigali avec un miminum d'affaires pour rejoindre le lac Kivu en auto-stop.
C'est l'un des rares lacs du continent où l'on peut se baigner sans risquer de se faire attaquer par un crocodile ou un hippopotame. Cette fois, la route est défoncée et nos conducteurs nous avancent peu...jusqu'à ce qu'un belge expatrié s'arrête. Il nous explique que c'est l'une des rares routes non-goudronnées du pays et s'étonne de voir quelques Rwandais marcher pieds nus car c'est interdit par le président. Enfin, il préfère ne pas parler politique. C'est un sujet à éviter ici, tout comme le génocide.
Il s'en va passer la fin de semaine sur son petit terrain au bord du lac. Inaccessible par la route, il doit s'y rendre avec son bateau. Il propose de nous y emmener car il existe un raccourci pour rejoindre le Congo Nile Trail, le sentier que nous allons parcourir pendant quatre jours. C'est ainsi qu'on se retrouve une bière à la main à naviguer en bateau-stop sur le lac Kivu, avec le champion de natation du Rwanda à la barre !
Ces quatre jours de marche nous font passer par de nombreux villages propres et organisés, comportant de nombreux bars et quelques cafés. Les restaurants et les épiceries sont rares ou minimalistes. Nous nous alimentons principalement d'avocats, de pain et de bananes achetés aux villageois. Les maisons sont construites en pierre et les toits en tôles grises...C'est plus moderne que les maisons en argile et en chaux des pays précédents ! Mais l'eau et l'électricité ne sont pas courantes. Les toilettes sont dans le jardin et les femmes cuisinent dehors sur le feu. Personne ne parle anglais (ne vont-ils pas à l'école?). Quelques mots de Français aident à communiquer.
Les enfants partent en corvée d'eau, de bois ou de bananes plantins qu'ils ramènent sur leurs têtes. Ils agitent longuement la main sur notre passage et hurlent "Muzungus, muzungus" (=personnes blanches). Ce qui rameute au pas de course davantage d'enfants. Certains réclament de l'argent et nous suivent longuement. Vu leur enthousiasme, le passage des "Muzungus" doit être le principal divertissement dans ces villages isolés. Nous croisons juste quatre autres marcheurs en quatre jours ! Le soir, nous nageons dans l'eau fraîche du lac et dormons en auberge. Les soirées sont froides, un peu comme le tempérament de certains Rwandais qui ne répondent pas à nos sourires et à nos bonjour. Il faut dire que l'Afrique nous a habitué à un peu plus de chaleur thermale et humaine.
Nos pas nous mènent jusqu'à Gisenyi, la ville frontière avec la République Democratique du Congo. Gisenyi a des allures de gros villages avec des maisons très espacées. Nous marchons longuement dans les rues pavées pour chercher de la wifi et prévenir notre hôte de Kigali que nous revenons. L'eau a été coupée dans tout Gisenyi, alors comme souvent, on fait chauffer de l'eau et on se lave avec une bassine. A la nuit tombée, j'aperçois, de l'autre côté de la frontière, un halot de lave rouge au sommet du volcan Nyiragongo.
Nos derniers jours à Kigali permettent de nous reposer et de travailler sur mes photos et vidéos.
Nous prolongeons notre séjour pour découvrir la vie nocturne du jeudi soir... Mais la rue des bars est presque vide, Kigali s'est endormi. Sebastian part en bus. Je continue seule mon tour du monde en auto-stop. On se retrouvera dans 1200 kilomètres à Arusha, en Tanzanie.
Photographies Du Rwanda
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