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LE MONDE  SUR LE POUCE

Le tour du monde 100% en stop et en images de Florence Renault

CONGO BRAZZAVILLE

Du 6 au 17 mars 2020

Récit De Voyage

"Où allez-vous madame ?" me demande le conducteur d'une jeep en français...

Je viens juste de traverser à pied la frontière Angola/Congo puis la foule de vendeurs ambulants pour faire du stop à la sortie du village. Ca fait exactement quatre ans que je ne suis pas allée dans un pays francophone, depuis mon départ du Québec en mars 2016. C'est tellement étrange de parler français que ma langue fourche, s'invente de drôles d'intonations belges et laisse échapper quelques mots d'anglais. Les congolais ponctuent leurs phrases de "monsieur, madame", vouvoient et manient les mots élegament.  On se croirait dans un film en noir et blanc... Il ne me semble pas que les Français soient si polis, ou alors les années m'ont rendues familières.

Une heure plus tard, je suis à Pointe-Noire et je rencontre Esther, la couchsurfeuse qui m'héberge pour le week-end. Elle m'emmène au karaoké et m'explique tous les secrets des cheveux afros chez le coiffeur. La journée des droits de la femme est célébrée comme une fête des femmes :  elles se mettent sur leur 31, avec une belle robe colorée imprimée "8 mars" pour retrouver les copines et se souhaiter "bonne fête". Pendant ce temps là, les maris sont restés s'occuper des tâches ménagères à la maison. Il ne s'agit pas de demander l'égalité des droits pour toute l'année mais juste pour une journée de privilèges... Esther m'emmène dans une école de commerce où se tient une conférence sur l'égalité des femmes. Elle n'est pas d'accord avec tout ce qui se dit (moi non plus) mais elle reconnaît que ce genre d'événements a le mérite d'exister car la thématique du féminisme y est abordé, du jamais vu pour elle auparavant. Nous échangeons intensément avec Esther, sur le Congo, la France, les mentalités... Après un passage à la plage, je reprends la route vers Brazzaville, la capitale.

 

Je suis emmenée par Bruno, un pédiatre congolais qui parle chinois et se plaint du manque de matérial, qu'il doit acheter lui-même, pour l'hopitâl. Je rencontre aussi Florent, qui a étudié à Orléans, ma ville d'origine ! Il me dépose à l'Alliance Française où je retrouve Emanuele, un couchsurfer italien qui m'héberge à son tour. En moto, il me fait découvrir Brazzaville avec ses berges, sa vue sur Kinshasa (la capitale de la RDC de l'autre côté du fleuve Congo) et l'ambassade du Cameroun (pour obtenir mon prochain visa). Nous explorons les villas d'un quartier abandonné et passons les soirées à l'Alliance Française, le principal centre culturel de la capitale. On parle un peu du Congo et beaucoup du coronavirus. Sa famille vit confinée au nord de l'Italie. Le président français vient d'annoncer la fermeture des écoles. L'Angola vient de fermer ses frontières aux Européens... Je suis donc passée de justesse. Dans les épiceries, les télévisions allumée sur France 24 montrent des images apocalyptique  d'une France déserte. Cela rend le chaos et la foule du marché de Brazzaville rassurants

Emanuele vient de terminer son service civile dans une ONG. Il propose de m'accompagner en stop vers le nord du Congo. Il contacte un Eddy, un vieux businessman italien qui vit à Oyo, un village à 400 km, pour demander si il peut nous héberger. C'est ainsi qu'on apprend qu'il y part le lendemain et a de la place dans sa voiture. Après 9 heures passées sur des routes défoncées et boueuses, nous passons devant un aéroport, un grand hôtel étoilé, plusieurs villas blanches, un hôpital flambant neuf, des trottoirs balayés, une église et des posters géants d'une femme... Oyo c'est la résidence secondaire du président et de sa cour. Demain il organise une grande cérémonie en hommage à sa fille décédée il y a dix ans alors tous les hôtels sont occupés. Je décline l'invitation d'Eddy à dormir dans l'une des résidences présidentielles. Je me sens plus à l'aise avec ses employés et Emanuele.

Vêtu d'un gilet et d'une casquette de l'armée de l'air italienne, Eddy donne l'image de l'homme à femmes et du colon magouilleur. Il nous parle de sa dizaine d'enfants éparpillés un peu partout en Afrique, tout comme ses  business. Mais son côté nounours et sa générosité lui donne un côté attachant. Il nous invite à diner, à petit-déjeuner et insiste pour me glisser une liasse de Francs CFA. Il me met en garde contre les trafiquants de diamants au nord du pays. Il paraît qu'ils utilisent les étrangers comme mules ou parfois leurs vendent des diamants pour ensuite les dénoncer à la police. Mon sac est assez lourd, je n'avais de tout manière pas l'intention de m'encombrer des pierres brillantes.

Eddy nous déposent à la sortie d'Oyo, pas loin du cimetière où a lieu la cérémonie d'hommage. En attendant le président, des femmes dansent au rythme du tam-tam. Je commence à filmer, la réaction des militaires ne se fait pas attendre : nous sommes expulsés.

 

Nous continuons la route en ambulance-stop vers Makoua. Nous sommes hébergées chez des religieuses qui parlent italien avec Emanuele. Makoua est un village extremement chaud et humide, située sur l'équateur. Sur les berges de la rivière Likouala, des gens se lavent à côté des pirogues. c'est là qu'un petit monument indique le passage invisible de la latitude Zéro.

Le lendemain, assis à l'arrière d'un pick-up, nous passons dans l'hémisphère nord. La route fraichement bitumée s'enfonce dans la jungle. Les villages sont rares. Les voitures aussi. Emanuele reçoit des messages sur son téléphone : des cas de coronavirus viennent d'être annoncés au Congo. Son ONG et sa mère le pressent de rentrer en Italie. Il hésite à m'abandonner pour repartir dans l'autre sens. Heureusement, un camion surchargé passe par là et le coupe dans sa panique. Ils peuvent nous emmener plus au nord jusqu'à Ouesso. Assis confortablement sur des sacs de ciment, nous écoutons de la musique pendant 7 heures, le temps nécessaire pour parcourir 200 kilomètres ! La route est vide, seule une voiture nous dépasse et un éléphant sort de la jungle à la tombée de la nuit.

A minuit, nous nous effondrons dans un petit hôtel de Ouesso. Le lendemain, les regards s'accrochent sur notre passage et nous interpellent : "coronavirus, coronavirus"... Ils pensent que ce sont les blancs qui ont apporté la maladie. La France vient de fermer ses frontières et d'imposer la quarantine obligatoire. Emanuele me propose de repartir 800 kilomètres en arrière à Brazzaville où il pourrait m'héberger. Après hésitation, je décide de poursuivre mon tour du monde en auto-stop vers le Cameroun et le Nigeria. J'ai déjà obtenu les visas de ces deux pays en ambassades. Ils sont coûteux et déjà activés. Alors j'avancerai rapidement en évitant les grandes villes où le virus commence à se propager. D'ici 10 ou 15 jours, la situation risque de dégénerer, alors je me réfugierai dans le calme du Bénin.

Je salue mon nouvel ami en espérant le revoir un jour en Europe dans des temps meilleurs.

Le directeur des travaux de la nouvelle route frontalière m'emmène avec sa famille. Pour m'aider à avancer et pour montrer la frontière à sa femme enthousiaste, mon conducteur fait un détour de 70 kilomètres. Personne ne semble passer par ici, alors j'accepte en remerciant. Dans une cabane en bois, les douaniers notent lentement  les informations de mon passeport sur un grand cahier. Aucun panneau ne me souhaite la bienvenue au Cameroun, mais les enfants s'en chargent. A la tombée de la nuit, à 18 heures, j'arrive au village de Djoum. J'achète une carte sim à un vendeur de rue. Je découvre sur internet que le président camerounais vient d'annoncer la fermeture des frontières du pays pour une durée indéterminée. Déjà ? Je suis dépitée. Je regrette de ne pas être restée au Congo. Me voilà bloquée au Cameroun et je ne connais personne.

Photographies Du Congo Brazzaville

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