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LE MONDE SUR LE POUCE
Le tour du monde 100% en stop et en images de Florence Renault
AFRIQUE DU SUD
Du 24 novembre 2019 au 21 janvier 2020
Récit De Voyage
Les paysages d'Afrique du Sud sont superbes mais j'ai mal supporté l'atmosphère de peur ambiante, la ségrégation normalisée et le racisme quotidien... L'auto-stop a été très difficile, il fallait souvent attendre plusieurs heures. Mais ça nous a permis de rencontrer des personnes de toutes couleurs et de tous horizons. Mon tour du monde en auto-stop nous a mené chez de généreux fermiers et dans de superbes parcs nationaux. Nous avons gardé des chiens pendant trois semaines près de Cape Town puis j'ai participé à dix jours de retraite de méditation Vipassana en silence. J'ai été à la fois choquée et émerveillée par mes deux mois en Afrique du Sud. Puis le voyage s'est poursuivi en Namibie.
Dix jours de méditation VIPASSANA en silence
Ça fait quelques années que j'entends parler de cette retraite par d'autre voyageurs comme d'une "expérience géniale" ou "d'une révélation". Il y a des centres Vipassana un peu partout dans le monde mais les places sont limitées. J'ai finalement réussi à m'inscrire en Afrique du Sud pour la session du 1er au 12 janvier 2020, de quoi commencer l'année de façon spéciale !
J'étais intéressée pour (re)découvrir la méditation : ce n'est pas une introspection ou une prière, ce n'est pas religieux ou spirituel. Il s'agit en fait d'essayer de ne pas penser en se concentrant sur sa respiration ou les sensations de son corps.
J'étais très enthousiaste de relever un nouveau défi à la fois moral et physique : ne pas parler pendant 10 jours, éviter tout contact visuel ou gestes avec les femmes (nous sommes séparées des hommes), ne pas écrire, ne pas lire, n'utiliser aucun matériel électronique (téléphone, ordinateur, appareil photo etc), manger végétarien, ne pas consommer d'alcool, de drogues ou de médicaments.... A vrai dire, j'ai trouvé ça assez facile, je n'ai ressenti aucun manque. J'ai même apprécié le silence.
Par contre la difficulté était de se lever à 4 heures tous les jours, d'être privée de diner et surtout d'être assise 10 heures par jour en tailleur. Ca fait extrêmement mal aux jambes et surtout au dos. J'ai déjà des problèmes de dos à la base. Mais comme tout le monde avait l'air de souffrir, je me suis dit que c'était normal jusqu'au 7ème jour où j'ai pleuré de douleur. Je me suis dit que ça allait trop loin et le professeur m'a autorisé à utiliser ma crème pour douleurs musculaires ainsi qu'un dossier (normalement réservé aux personnes âgées mais je dois reconnaître que j'ai un dos de vieille).
Le professeur est la seule personne à qui on peut parler et poser des questions à des horaires précis. Les instructions, elles, sont données chaque soir par un vieux gourou birman M. Goenka à travers une vidéo granuleuse de 1991 en format 4:3. Avec un accent à couper aux couteaux, il explique en anglais les instructions (en gros se concentrer sur sa respiration et ses sensations). Il parle de réincarnation et chante les histoires de Buddha (euh, sérieux?! Mais c'était écrit que ce n'était pas une organisation religieuse...Bon ok, le bouddhisme c'est une philosophie et pas une religion, mais ils auraient pu le mentionner, non ?!). Entre deux blagues, le vieux Goenka fait surtout de la déstabilisation mentale en disant les choses et leur contraire, en répétant les mêmes mots négatifs "misère", "avortement", "état de besoin". Il culpabilise "les misérables" qui voudraient partir avant la fin, ne comprendraient pas les apprentissages ou ne feraient aucune donation. J'aurais aimé débattre de ses propos mais impossible en silence et puis il était déjà l'heure de dormir pour bien digérer toutes ses paroles. C'était aussi écrit que ce n'était pas une organisation sectaire...
Chaque jour j'ai envie de partir et je me demande : c'est quoi le truc génial ? elle est où la révélation ? Sur le plan mental, je passe mon temps à m'imaginer des histoires. Je me rappelle des vieux souvenirs et des gens que je pensais avoir oublié. "My lonelyness is killing me"... Britney, arrête de chanter dans ma tête ! "Yééééhaaaaaa I must confess"... que je m'ennuie 10 heures d'affilé. Les jours 3 et 4, j'ai des pensées négatives liées à mes peurs, mais rien de révélateur, ce sont des choses dont j'ai dejà conscience. Au niveau physique, j'ai très mal au dos et je ne ressens aucune "sensation wahou".
Le 9ème jour, Goenka parle de notion de bonheur... et là je commence à comprendre pourquoi les gens aiment cette retraite...C'est vrai que pour quelqu'un triste ou qui n'a jamais réfléchi au concept de bonheur, ça peut être une révélation...
Le 10ème jour, à 10h du matin, on peut se regarder, se sourire, rire, employer la "noble parole"... C'est un peu comme apercevoir la terre après des semaines en mer ou se mettre à l'ombre d'une arbre vert après un mois dans le désert : C'est une explosion d'émotions et de joie ! On n'a pas le temps ni l'envie de dire des banalités. On se parle de nos expériences personnelles, de nos pensées et donc de nos vies privées. Les conversations sont intenses, on s'échange nos contacts. On vient frapper à ma porte pour demander le silence à 22h30 car ma compagne de chambre et moi n'arrivons plus à retenir notre débit de parole.
Toutes les participantes ont l'air d'avoir adoré l'expérience, elles ont trouvé ça "génial"... Je me permets de leurs faire remarquer qu'elles ont la mémoire un peu courte : que ce 10ème jour était génial au point d'en oublier les 9 précédents. Elles ont toutes soufferts (sauf les accros de yoga), mais pour elles, ces souffrances valaient la peine car ça leur a permis de se clarifier les idées et leurs priorités. Certaines ont même expérimenté la "dissolution du corps" (qui consiste à sentir son corps liquéfié).
Bref, je crois que je suis la seule "misérable" à ne pas avoir aimé cette retraite, à part le silence, la délicieuse nourriture et le cadre idyllique dans les montagnes.
Ca ne m'a rien apporté. Suis-je déjà un bouddha ?! Impossible, dans ce cas là, j'aurais atteint le nirvana.
Je ne remets pas en cause les bienfaits de la méditation. Il me semble que ces retraites Vipassana sont plutôt destinées aux tristes, aux dépressifs, aux addicts, aux stressés, aux insomniaques et à tous ceux emportés par le tourbillon du métro-boulot-dodo qui n'ont pas le temps de penser... soit à 99% des être humains mais je ne rentre pas dans ces catégories.
Finalement le voyage n'est-il pas une forme de méditation contemplative ? Observer les paysages, les gens, les écouter, tout absorber comme une éponge, vivre lentement, vivre l'instant présent, vivre au rythme de la nature, lâcher prise, s'ennuyer parfois, relativiser beaucoup, se sentir libre... Je ne suis pas un bouddha mais presque, je suis une voyageuse.
Photographies D'Afrique Du Sud
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